La poésie et la « pleine conscience »

 Il y a des moments qui ressemblent à des étincelles. Soudain, la pensée s’efface. Et si des mots émergent, ils semblent venir du coeur, de l’âme. La main du poète les écrit. Il se relit, effectue d’éventuels changements, pour plus de profondeur, cherchant à être davantage en accord avec son ressenti, associant grâce et musique des mots. Une vibration naît. Une émotion apparaît de cet instant. C’est comme une découverte. C’est comme la surprise de l’apparition d’une étincelle.

La « pleine conscience » ? La méditation ? « C’est la mode du moment ! », peut-on penser. Pourtant, il s’agit de bien plus que cela. Il s’agit d’un choix… Le choix d’accueillir ce qui émerge : toute sensation corporelle, toute pensée, toute émotion… Nous cheminons avec ce qui apparaît, nous ne cherchons pas à fuir, à arrêter, à nier, ou à nous détendre. Non, nous faisons un autre choix : celui de prendre conscience de nos automatismes, de nos réactions spontanées, de nos pensées soudaines, auxquelles nous nous agrippons (bien souvent), et nous choisissons d’entrer en contact avec ce qui se manifeste. Etre « pleinement conscient », c’est être « pleinement présent », c’est se laisser toucher par ce qui se présente dans notre expérience , celle du moment. Toutes nos expériences d’êtres humains.

J’aime, lorsque, de ces instants furtifs, quelque chose émerge. Ce « quelque chose » ressemble à un ressenti, qui se vit pleinement et que l’on ne peut figer. Comment poser sur le papier un tel moment « étincelant » ? Je crois que le poème, avec ses mots, ses métaphores, le peut. Le poème permet de partager, de mettre en lumière et en valeur notre humanité commune, par des mots choisis et venant de notre expérience ressentie.

En ce sens, la poésie est indissociable de la « pleine conscience ».

Méditer, ce n’est pas « faire », ce n’est pas : « Je fais ceci pour obtenir cela. ». C’est plutôt « être avec » ou « se laisser toucher par... » ; sans objectif à atteindre.

Ecrire ou lire un poème avec son coeur, n’est-ce pas se laisser toucher par la vie ? N’est-ce pas « se laisser être » ? La poésie ne nous fait-elle pas vivre ou revivre des instants vibrants ?

Nombreux sont les poèmes apparus lors de moments vibrants (ou devrais-je écrire « vivants »?) aussi bien agréables que désagréables, qui permettent d’illustrer des thématiques abordées dans les différents sujets de « programmes » ou cycles de pleine conscience (MBSR (=Mindfulness Based Stress Reduction), MSC (=Mindful Self Compassion)…). Ils aident la personne qui pratique à ancrer son expérience. Leur lecture est aussi un soutien aidant, pour prendre conscience de nos valeurs et difficultés communes d’êtres humains.

Alors pour chacun d’entre nous, la poésie n’est-elle pas une formidable amie ?


(Article publié dans l'"Etrave" n°284, nov-déc 2024, Revue de Poètes Sans Frontières)